Son visage vous dit quelque chose ? Hella Kherief est cette aide-soignante devenue une lanceuse dâalerte lorsquâen septembre 2018, dans lâĂ©mission EnvoyĂ© spĂ©cial », elle a dĂ©noncĂ© Ă visage dĂ©couvert les mauvais traitements infligĂ©s Ă des personnes ĂągĂ©es dans un Ehpad privĂ© des Bouches-du-RhĂŽne dans lequel elle avait dĂ©crochĂ© un CDI manque de couches, manque de personnel⊠LicenciĂ©e pour insubordination », elle se dĂ©finit aujourdâhui comme un symbole de la lutte pour un troisiĂšme Ăąge considĂ©rĂ© et bien traitĂ© ».Hella Kherief travaille dĂ©sormais de nuit dans le service de rĂ©animation dâun hĂŽpital de Marseille et sort un livre co-Ă©crit avec France Carp le Scandale des Ehpad » Hugo- Doc. Elle y raconte son quotidien dâaide-soignante en Ehpad privĂ©s, celui des pensionnaires, et fait tĂ©moigner familles et membres du personnel. Une dĂ©nonciation terriblement humaine de la course au profit de ces Ehpad privĂ©s, qui en fait des lieux oĂč la vieillesse sâaccĂ©lĂšre et conduit tout droit Ă la maltraitance. Bonnes suite aprĂšs la publicitĂ© Le Scandale des Ehpad », de Hella Kherief, avec France Carp. Hugo Doc Faire et dĂ©faire, câest mon travail »DĂšs 7 heures du matin, aprĂšs avoir pris connaissance auprĂšs des aides-soignantes du service de nuit des activitĂ©s nocturnes de mes pensionnaires, je prends mon service et je nâai pas une minute de rĂ©pit. Entre les levers, les toilettes, les prises de mĂ©dicaments, la transmission, les requĂȘtes, les Ă©changes avec les infirmierĂšres et lâaccompagnement Ă la salle Ă manger, interrompus par une chute, un dĂ©shabillage inopinĂ©, un hurlement Ă calmer, un drap ou un vĂȘtement Ă changer car souillĂ© par une diarrhĂ©e ou une incontinence, un pleur Ă consoler, un parent Ă rassurer, jâai souvent lâimpression de jouer au Monopoly et dâĂȘtre le joueur malchanceux qui au hasard des dĂ©s repasse trop souvent Ă la case prison », coincĂ© pour plusieurs tours ! [âŠ]A midi, par une pirouette physique et mentale dont je mâĂ©tonne tous les jours, mes douze pensionnaires sont enfin Ă table et jâessaie dâavoir le temps de les accompagner dans leur prise alimentaire. Mais lĂ encore, câest quasiment mission impossible. Donner la becquĂ©e Ă quinze personnes quâil faut nourrir comme des enfants, et qui ont souvent les mĂȘme rĂ©actions quâun enfant quâon alimente, demande un temps considĂ©rable que je nâai toujours pas. Alors, je passe de lâun Ă lâautre en stimulant ceux qui boudent leur assiette, en calmant ceux qui la martyrisent et en nĂ©gociant avec ceux qui trient pour ne manger que les saveurs sucrĂ©es. Avec ceux qui, tourmentĂ©s par leur mĂ©moire et leurs repĂšres, se rassurent par une logorrhĂ©e qui ne les autorise Ă ouvrir la bouche que pour ce flot de paroles, sans que la moindre bouchĂ©e ne passe le cap de leurs lĂšvres. Rien. Et pour finir, avec ceux qui nâarrivent plus Ă bien dĂ©glutir et quâil faut prĂ©server attentivement de la fausse route. Heureusement, quelques familles sont lĂ pour nous Ă©pauler et sâoccuper de leur vieux parent, le temps du repas. Puis la journĂ©e reprend son cours. Ă rebours. De la salle de repas on reprend le court chemin jusquâaux chambres, et tout ce qui sâest fait le matin se dĂ©fait pour le soir faire et dĂ©faire, câest mon travail. Repos, TV, visites, dĂ©shabillage, petite toilette, mĂ©dicaments, repas et 7 heures du soir, je termine mon service avec les derniĂšres transmissions Ă lĂ©guer Ă mes collĂšgues de la nuit. [âŠ] Je rentre chez moi souvent Ă©reintĂ©e par ce contre-la-montre » et ma vie familiale prend le relais. Mais nâimaginez surtout pas que mes douze heures de service se limitent Ă ces gestes dâhygiĂšne et de soins. Tous les jours, je crĂ©e un lien intime avec mes pensionnaires, je leur chante des chansons pour ancrer leur mĂ©moire, je tente de faire, de refaire et re-refaire tous les jours les mĂȘmes gestes dans les mĂȘmes conditions, avec lâespoir quâils les retiendront, et surtout, je les rassure [âŠ]. Mais ce nâest pas, pour ma direction, le gros de mon travail », une direction qui estime que pour des pensionnaires du cinquiĂšme Ă©tage il nây a rien dâautre Ă faire que de les prendre en charge ».La suite aprĂšs la publicitĂ©Lâhistoire de Mariette, 92 ans, Ă©crasĂ©e de mĂ©dicamentsMariette [les prĂ©noms ont Ă©tĂ© modifiĂ©s, NDLR] a 92 ans, elle est charmante, coquette et lumineuse, et dĂšs que je lâai vue arriver au cinquiĂšme Ă©tage de la maison de retraite, jâai eu un coup de cĆur. Elle fait partie de ces personnes ĂągĂ©es qui ne se ternissent pas. Sa fraĂźcheur exprime encore la gaietĂ© de la jeune fille de 20 ans quâelle a Ă©tĂ©. [âŠ] Je crois que malgrĂ© le fait quâelle soit habitĂ©e par la maladie dâAlzheimer, qui petit Ă petit grignote sa notion du temps, Mariette reste animĂ©e par cette grĂące et lâentretient naturellement, comme une vestale garde le feu allumĂ©. Tous les matins, elle se maquille dâun peu de blush sur les joues et rassemble ses cheveux, dans un geste automatique quâelle a rĂ©pĂ©tĂ© toute sa vie, pour Ă©clairer son visage. Mais ce nâest pas tout. Si Mariette dĂ©gage cette Ă©nergie si solaire, câest aussi grĂące Ă son mari. Jean a 93 ans et reste lâamoureux de sa femme. Il lâaime, la regarde, la touche. Mais Jean nâest plus capable de prendre soin dâelle au quotidien. La placer dans une maison de retraite a Ă©tĂ©, pour lui, la dĂ©cision la plus douloureuse de sa vie. [âŠ]Mariette passe tout son temps Ă attendre son Jean ou Ă tenter de le rejoindre, en se plantant devant lâascenseur et en profitant dâune porte qui sâouvre pour sây engouffrer et descendre Ă lâaccueil⊠oĂč elle est cueillie par le personnel qui la ramĂšne au cinquiĂšme. [âŠ] Pour passer le temps qui nâen finit pas tant que Jean nâest pas lĂ , elle me suit Hella, je vais avec vous, Hella je vais vous aider », et me donne un coup de main » pour ramener un rĂ©sident dans sa chambre ou dĂ©barrasser les assiettes Ă la cantine. Mariette aime se rendre utile, sentir quâon a encore besoin dâelle. Puis, elle repart Ă la conquĂȘte de lâascenseur en espĂ©rant un jour ou lâautre ne pas ĂȘtre repĂ©rĂ©e et rentrer Ă la maison rejoindre Jean. LâhyperactivitĂ© de Mariette, ses descentes au rez-de-chaussĂ©e et sa dĂ©termination Ă dompter lâouverture de lâascenseur ont fini par inquiĂ©ter » la direction. Et si Mariette prenait le large ?Pour rompre avec la dangerositĂ© » de son comportement si extraverti, mĂ©moire vive de son amour, le traitement mĂ©dical de Mariette a changĂ©. Des anxiolytiques quotidiens mettront fin Ă son agitation qui pourrait la mettre en danger, pauvre Mariette si imprudente ! Ă partir de ce moment, Mariette sâest calmĂ©e. Tellement calmĂ©e que les visites de Jean nâont plus Ă©tĂ© le battement mĂ©morable de sa vie, que lâascenseur ne signifiait plus rien, quâelle en a oubliĂ© son blush et que sa vie sâest rĂ©sumĂ©e comme beaucoup dâautres Ă une Ă©norme sieste flasque devant la tĂ©lĂ©vision. Bien sĂ»r, Mariette a fini par mourir mais ce nâest pas Mariette qui est morte, câest une vieille dame enfin calme, docile et dĂ©primĂ©e de 92 ans, complĂštement assommĂ©e par des mĂ©dicaments. tĂ©moignage de Virginie, 64 ans, qui a placĂ© sa mĂšre en Ehpad Il est impossible de garder Ă la maison une personne qui a la maladie dâAlzheimer Ă un stade trĂšs avancĂ©. Mon pĂšre Ă©tait dans un dĂ©ni total et nâadmettait pas quâelle puisse ĂȘtre malade et me demandait de me mĂȘler de mes affaires. Jusquâau moment oĂč jâai bien compris que si je les laissais faire, ma mĂšre serait en danger. Dâautant que lui partait en voyage rĂ©guliĂšrement. Ma premiĂšre douleur a Ă©tĂ© de devoir aller contre leur volontĂ© de garder ma mĂšre Ă la maison, en faisant dĂ©signer un tuteur extĂ©rieur Ă la famille pour que les tensions et les dĂ©cisions ne soient pas intrafamiliales. Nous ne pouvions plus nous entendre. Ma deuxiĂšme, et non la moindre, fut de lâamener dans une maison de retraite sans leur demander leur avis. Jusque-lĂ , je me disais que la maison de retraite Ă©tait lâenvironnement idĂ©al et nĂ©cessaire pour une personne comme ma mĂšre, qui avait besoin dâune assistance quasi permanente, et si ma douleur Ă©tait bien prĂ©sente, dans ce sens, je ne me suis pas sentie coupable. Il me semblait que câĂ©tait vraiment ce que jâavais de mieux Ă faire. Jâai vite suite aprĂšs la publicitĂ©Dâabord dĂšs que ma mĂšre est arrivĂ©e Ă lâĂ©tage des personnes ayant une maladie dĂ©gĂ©nĂ©rative cognitive, la rĂšgle fut de lui faire porter des couches. Mais pourquoi ? A cette Ă©tape de sa maladie, elle Ă©tait encore parfaitement capable dâaller aux toilettes seule, jâai argumentĂ©, il nây a rien eu Ă faire⊠câĂ©tait pour son confort. Ensuite, la direction mâa demandĂ© de ne plus venir aussi souvent trois fois par semaine. Selon elle, mes visites perturbaient ma mĂšre qui, Ă de telles frĂ©quences, ne pouvait pas se sentir chez elle⊠câĂ©tait aussi pour son bien. La rĂ©alitĂ© est tout autre. En Ă©tant frĂ©quemment dans les lieux, les familles se lient au personnel soignant et nous sommes beaucoup plus aptes Ă voir toutes les lacunes de lâorganisation. Et au fur et Ă mesure, jâai vu des choses tellement moches, des vieillards attachĂ©s Ă leur chaise roulante pour ne pas chuter⊠câĂ©tait pour leur protection. Jâai le souvenir encore prĂ©gnant de lâodeur de âpisseâ mĂ©langĂ©e Ă celle des produits mĂ©nagers, qui Ă©mane des chambres jusque dans le couloir dĂšs quâon arrive et qui retourne les boyaux, ça câest horrible. Pour moi ça reste lâodeur dâun mouroir. [âŠ]Ma mĂšre est restĂ©e sept ans dans cette maison de retraite. Sept ans dâun loyer mensuel de 2 300 euros. A un moment nos finances nâont plus pu suivre et nous avons dĂ» vendre la maison de nos parents. Et ça, câĂ©tait comme si ma mĂšre mourrait une premiĂšre fois. MĂȘme si elle nâa pas Ă©tĂ© au courant. Et puis ma mĂšre est morte. Un matin le directeur mâa appelĂ©e au tĂ©lĂ©phone et mâa reçue dans son bureau avec cette phrase indigne et presque inimaginable âIl va falloir mâemmener le corps de votre mĂšre rapidement car je nâai pas de frigo.â Pas un âje suis dĂ©solĂ©â, âtoutes mes condolĂ©ancesâ, ma mĂšre morte, il fallait vite passer Ă autre chose. Il va falloir âmâemmenerâ, comme si la vie et la mort de ma mĂšre Ă©taient sa propriĂ©tĂ©, comme si le corps de ma mĂšre nâĂ©tait plus quâun vieux morceau de viande sans vie qui nâaurait jamais Ă©tĂ© incarnĂ©. Du âprĂȘt-Ă -jeterâ. »Chacun dans sa caseMalheureusement, la vision trop mĂ©dicale qui consiste Ă envisager dâemblĂ©e une personne ĂągĂ©e comme dĂ©pendante induit un processus de suivi qui se fait en cercle fermĂ© entre le mĂ©decin coordinateur, le cadre de santĂ© et les infirmiĂšres. Nous [aides-soignantes, NDLR] ne sommes pas concernĂ©es par ces bilans et ne sommes pas mises directement au courant, alors que nous sommes en premiĂšre ligne pour recevoir les informations mĂ©dicales sur nos rĂ©sidents et pouvoir en rapporter, sur dâautres aspects de leur vie qui peuvent avoir un impact sur leur santĂ©. Nous nâavons quasiment jamais de contact ou de discussion avec le mĂ©decin coordinateur, et pour la plupart dâentre nous le cadre de santĂ© reprĂ©sente le supĂ©rieur hiĂ©rarchique qui va Ă©valuer notre travail et qui peut le sanctionner. Nos rapports relĂšvent toujours beaucoup plus du domaine du management que de celui du soin Ă la personne. Ou de la relation suite aprĂšs la publicitĂ©De ce que jâai pu voir dans les Ehpad dans lesquels jâai travaillĂ©, il y a une animositĂ© assez frĂ©quente entre les aides-soignants et les infirmiĂšres. Et encore une fois, cette tension est alimentĂ©e principalement par le manque de personnel soignant. Mais cet Ă©tat de fait crĂ©e des heurts, des dolĂ©ances, des reproches qui en rĂ©alitĂ© ne sont pas orientĂ©s directement vers la personnalitĂ© de lâinfirmiĂšre mais plutĂŽt vers son statut et son diplĂŽme. Les aides-soignantes estiment souvent que les infirmiĂšres se cantonnent Ă exĂ©cuter uniquement les tĂąches que les aides-soignantes ne sont pas en droit de faire vu leur diplĂŽme. Elles leur reprochent de ne pas vouloir partager ce qui est le tronc commun » entre les deux mĂ©tiers, câest-Ă -dire le nursing », que dans un vocabulaire trĂšs infantile on nomme le pipi-caca-manger », et ce mĂȘme si lâaide-soignante est dĂ©bordĂ©e. La valeur du diplĂŽme dĂ©limite les tĂąches lâaide-soignante se sent dĂ©valorisĂ©e parce que rabaissĂ©e aux soins les plus durs, et lâinfirmiĂšre, elle, fait valoir son diplĂŽme et refuse souvent dâeffectuer des tĂąches quâelle estime ne pas lui incroyable comme la machine administration/hiĂ©rarchie finit par formater et Ă©triquer les esprits, en rendant le travail beaucoup plus pĂ©nible, moins collectif et surtout moins joyeux. Ces conditions de travail entraĂźnent une dĂ©prĂ©ciation du mĂ©tier dâaide-soignante, et le diplĂŽme, qui est pourtant trĂšs formateur et qui englobe bien plus de savoir-faire que le nursing », nâest plus du tout plĂ©biscitĂ© par les jeunes gĂ©nĂ©rations. Celles-ci sâorientent vers des mĂ©tiers oĂč la pĂ©nibilitĂ© du travail et les responsabilitĂ©s sont moindres pour le mĂȘme salaire, ou vers des publics plus faciles Ă gĂ©rer. Ou encore des mĂ©tiers oĂč, pour un salaire Ă©quivalent, ces jeunes ne seront pas en prise directe et incessante avec la fin de vie, inĂ©luctable, une situation demandant une sacrĂ©e dose dâhumanitĂ© qui nâest pas donnĂ©e Ă tout le mondeâŠDes stimulations inadaptĂ©esDans certaines maisons de retraite, la grande dĂ©pendance signe la pauvretĂ© des stimulations cognitives et sensorielles. La tĂ©lĂ©vision et ses Ă©missions de la journĂ©e sont le plus soporifique des somnifĂšres. Lâobjectif soins Ă tous crins » finit par phagocyter tout projet de vie, et le rĂ©sident se rĂ©sume Ă ĂȘtre lâobjet de ces mĂȘmes soins, de dĂ©marches administratives, et sa journĂ©e se rythme autour de ses besoins Ă©lĂ©mentaires et vitaux manger et dormir. On sâĂ©vertue, quand des animations sont organisĂ©es, Ă lui proposer des activitĂ©s thĂ©rapeutiques pour essayer de le rĂ©parer, dâamĂ©liorer sa santĂ©, sa mĂ©moire, comme si tout ça, sous couvert de prĂ©vention, allait comme par miracle ressusciter un octogĂ©naire en quinqua lucide. Alors que ce dont il a vraiment besoin, câest se rapprocher de qui il est, pour quâau moins lui-mĂȘme ne lâoublie pas, par une diversitĂ© dâactivitĂ©s qui stimulent ses envies, ses sens, ses ressentis, ses Ă©motions, son corps, qui ne se sont pas Ă©vanouis. On nâoublie jamais ce quâon a aimĂ© Ă 15 ans ! On nâoublie jamais qui on a aimĂ© Ă 15 ans. On nâoublie jamais ses passions et dâailleurs, câest ce dont ces personnes ĂągĂ©es parlent le plus souvent, elles ressassent les leurs comme un souvenir essentiel, un antidote pour se garder en des activitĂ©s, câest aussi respecter lâindividualitĂ© de chacun et ne pas penser forcĂ©ment au tout collectif » pour crĂ©er de lâĂ©mulation de groupe. Si le lieu est collectif, il est tout aussi privatif. Trouver des activitĂ©s novatrices qui pourraient sâappuyer peut-ĂȘtre sur les nouvelles technologies, câest bien, mais le hic câest que les mettre en place entame le budget. Dans les maisons de retraite, les animations sont affectĂ©es au volet hĂ©bergement, ce qui est difficilement comprĂ©hensible puisque la littĂ©rature scientifique, les Ă©tudes, les mĂ©decins le rĂ©pĂštent Ă lâenvi sâoccuper, bouger, faire fonctionner sa crĂ©ativitĂ©, imaginer, faire, observer, toutes ces actions ont un impact trĂšs significatif sur la santĂ©, la plasticitĂ© cĂ©rĂ©brale, la mĂ©moire et la dĂ©pendance puisquâelles favorisent des comportements plus adaptĂ©s Ă la recherche dâautonomie. [âŠ] Pourquoi ce budget est-il pris en charge par le volet hĂ©bergement qui est essentiellement aux frais du rĂ©sident ? Alors que les animations pourraient ĂȘtre payĂ©es par le volet dĂ©pendance, abondĂ© par les conseils dĂ©partementaux ? Une telle ventilation permettrait dâoctroyer davantage de moyens et donc de concevoir des animations plus Ă©laborĂ©es et plus nombreuses dans le cadre du projet de vie proposĂ© Ă chaque suite aprĂšs la publicitĂ©Le tĂ©moignage de Pierre, cuisinier, licenciĂ© dâun Ehpad privĂ© Il y a un peu plus de trente ans, jâai rĂ©pondu Ă une offre dâemploi postĂ©e par une maison de retraite âhaut de gammeâ qui pouvait hĂ©berger cinquante-cinq personnes ĂągĂ©es, pour un poste de cuisinier. Lâannonce stipulait âservice Ă lâassietteâ. [âŠ] Ce poste Ă©tait pour moi et je lâai eu. Cet Ă©tablissement Ă©tait Ă la mesure de ses ambitions et de sa dĂ©nomination âhaut de gammeâ. Billard dans le salon, petit bar oĂč les pensionnaires pouvaient se retrouver, cet endroit Ă©tait pour eux, une source de bien-ĂȘtre et de convivialitĂ©. Il faut dire quâil y a vingt-cinq ans, les personnes ĂągĂ©es qui y sĂ©journaient Ă©taient moins ĂągĂ©es et moins dĂ©pendantes que celles qui y vivent actuellement. Avec mon Ă©quipe de cuistots nous travaillions avec les boucheries locales pour nourrir nos cinquante-cinq protĂ©gĂ©s et Ă©videmment la qualitĂ© de nos achats Ă©tait excellente, Ă des prix abordables car les bouchers voyaient en nous un client pĂ©renne aux commandes bout de quelques annĂ©es notre Ă©tablissement sâest agrandi de trente chambres supplĂ©mentaires et notre nouveau patron, un autre groupe, a pris la relĂšve. Et lĂ les choses ont commencĂ© Ă se compliquer. Fini les boucheries et les boulangeries locales, nos achats devaient ĂȘtre faits sur une plateforme avec des produits nettement moins gouleyants et surtout moins chers. Un dispositif de barĂšme de qualitĂ© trĂšs administrĂ© est venu rejoindre nos cuisines [âŠ] Mais bon, nous avions aussi des formations trĂšs intĂ©ressantes qui concernaient directement nos rĂ©sidents, comme celle qui nous apprenait, Ă partir dâun mucilage fait Ă base dâalgues, Ă concocter des petits plats trĂšs protĂ©inĂ©s qui fondent dans la bouche pour nourrir agrĂ©ablement les personnes qui avaient des problĂšmes de dĂ©glutition. MalgrĂ© les restrictions, nous arrivions encore Ă gĂ©rer de façon assez autonome notre cuisine. [âŠ]Mais le boum des Ehpad privĂ©s et lucratifs a commencĂ© Ă battre son plein avec des groupes de plus en plus gros et de plus en plus voraces, et notre maison de retraite sâest fait manger par lâun dâentre eux ! Fini les vellĂ©itĂ©s de faire tourner la cuisine avec toutes formes de crĂ©ativitĂ© ou dâinitiatives personnelles ! La rĂšgle formatĂ©e a remplacĂ© mon commis de cuisine. Lâenveloppe de quatre repas journaliers pour les rĂ©sidents a Ă©tĂ© fixĂ©e Ă une somme de 4,95 euros ! Nos achats ont continuĂ© Ă se faire sur des plateformes mais avec des nĂ©gociations tellement serrĂ©es que les produits sont devenus dâune qualitĂ© gustative et nutritionnelle dĂ©plorable. Plus de formations ciblant la nutrition du troisiĂšme Ăąge, car elles empiĂ©taient sur le budget de lâinfirmiĂšre, et surtout des restrictions Ă tous les Ă©tages et particuliĂšrement Ă ceux de nos rĂ©sidents. Un fruit, câest un fruit soit une clĂ©mentine soit une banane, pas les deux, idem avec le fromage ou les biscuits et tout le reste, dâailleurs. Quant Ă la prĂ©paration des plats, le lait faisait office de crĂšme fraĂźche et, de la mĂȘme façon, toute recette se rĂ©inventait avec un ersatz du produit initial, qui Ă©tait goĂ»teux mais aussi plus coĂ»teux. Je nâai jamais pu me rĂ©soudre Ă cuisiner de la sorte, les audits faisaient de nous une des meilleures cuisines du groupe, mais cette valorisation de notre compĂ©tence avait moins dâimportance que notre insubordination nous ne voulions pas nous plier Ă des restrictions insupportables pour ces vieilles personnes. Jâai incitĂ© dâautres cuisiniers Ă ne pas plier. Mais la direction a fini par avoir raison de moi et jâai Ă©tĂ© licenciĂ©. »Les intertitres sont de la rĂ©daction
| ĐĐŒĐ”ŃŃаá ŃŃĐČΞŃÏĐčŐĄŃ | áȘĐșŃÏ ĐČŐ«ŐŻ ЎαŐČáŽŐ¶Ï | ĐեжášĐș ζ á¶Ő·áÏĐŸŃŃĐŸÎŽŃ | ĐŃ Đ°ĐœÏŃĐžŃŃŃ |
|---|---|---|---|
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